Parutions

Psychopathologie du nationalisme

Albert Schweitzer

Texte établi, traduit et présenté par Jean-Paul Sorg, coll. « La faute à Voltaire », éd. Arfuyen, août 2016, 150 p., 10€

 

Ce sont des écrits de 1915 et 1916, ébauchés à Lambaréné, dans les conditions oppressantes de la guerre, et repris, mis en forme et achevés pendant les semaines de « congé » dans une cabane à Cap Lopez, au bord de l’océan. « Au second jour de mon internement, tout étonné encore de pouvoir m’asseoir à ma table de travail comme avant ma carrière médicale, j’abordai la philosophie de la civilisation. » (Ma vie et ma pensée)

En ce 6 ou 7 août 1914, il avait d’abord songé à terminer son ouvrage sur l’apôtre Paul, commencé à Strasbourg en 1911, mais dans la situation dramatique où il se trouvait soudain, il ne put réfléchir, plume à la main, sur aucune autre question que celle de la civilisation, les symptômes et les causes de sa décadence (Niedergang), de sa désagrégation (Verfall) que la guerre qui venait d’éclater en Europe rendait patente. Le symptôme omniprésent et la cause première étaient le nationalisme, conséquence fatale de la constitution des États-nation et de leur funeste rivalité. Volonté de puissance des uns et des autres, pulsions de domination et, plus profondément, en dessous, la peur, que la propagande entretenait, d’être dominé, lésé, un jour prochain envahi et occupé, la représentation paranoïaque de l’autre comme ennemi assoiffé de conquêtes ou de revanche. Le climat politique ordinaire.

De ces textes, des centaines de feuillets, que Schweitzer rédigea alors, avec pour première lectrice et correctrice son épouse Hélène, et qui furent rassemblés et publiés dans les œuvres posthumes, volume 9, Wir Epigonen, chez C. H. Beck, Munich, 2005, 416 pages, la présente édition française offre en traduction un choix original qui révèle l’analyse soutenue que Schweitzer entreprit des phénomènes politiques de la nation, de l’État-nation et du nationalisme.