Parutions
Walter Munz : dans la suite d'Albert Schweitzer à Lambaréné
Hines Mabika
éd. Favre, Lausanne, 2019, 316 pages, 27 €.
La vie et la personnalité du Dr Walter Munz (né en 1933), telles que les montre l’ouvrage soigneusement documenté de Hines Mabika, s’inscrivent dans l’histoire de l’Hôpital Albert Schweitzer de Lambaréné et, au-delà, dans ce dont cet hôpital et toute l’œuvre de son fondateur continuent d’être un nom, un symbole : l’humanisme humanitaire, comme réparation (rédemption) de l’exploitation et de l’oppression coloniale. Sur la ligne du principe de dignité de toute vie.
Pourquoi lui, Walter Munz ? Il a été élu par le maître. Après avoir travaillé à ses côtés, comme chirurgien, de mai 1961 à août 1963, il était rentré en Suisse pour compléter sa formation et s’installer. Schweitzer lui écrit : « Quand tu es parti, j’étais attristé, car je savais que je ne pourrai pas te remplacer. Il y a en toi quelque chose de profondément humain. Tu possèdes en toi l’esprit de Lambaréné. Je comptais sur toi pour garder ici cet esprit d’humanité. »
Il est revenu et il n’a pas seulement gardé « l’esprit d’humanité », il l’a développé, actualisé, en a illustré l’universalité. Plus que Schweitzer, question de génération, il s’est passionné pour la culture, l’art, l’art de vivre des Africains, il a appris la langue bantoue fang et en a révélé les subtilités.
Il a écrit un livre de témoignage, Albert Schweitzer dans la mémoire des Africains (parution en1994, n° 5 dans la série Etudes Schweitzeriennes). Voici Walter Munz dans la mémoire des Africains, et les Africains dans la mémoire, le cœur et l’esprit, de Walter Munz. Il a expérimenté « l’esprit de Lambaréné » en Afrique comme en Europe, à Zurich, dans une maison médico-sociale qui accueillait des toxicomanes (Sune-Egge) et dont il fut le directeur médical de 1991 à 1998. C’est que « nous sommes membres les uns des autres » (« Wir gehören zueinander »). Il faut qu’une telle parole pénètre toute l’humanité, afin que demain l’humanité, mondialisée, ne périsse pas corps et âme.
Réjouissons-nous qu’en 2019 l’Hôpital Schweitzer, pris maintenant en charge par les Gabonais, demeure opérationnel, toujours dans la vision éthique supranationale de son fondateur.
Jean-Paul Sorg
« Nous espérons que bien au-delà des limites du Gabon et du continent africain la pensée du respect de la vie gagne le cœur de plus en plus d’êtres humains et leur inspire les changements dont notre monde a besoin.
Le respect de la vie est un concept à la fois philosophique et profondément religieux, sans être lié à des croyances ou des idéologies particulières. Nos pensées et nos pratiques trouvent en lui une force inépuisable. Il nous met dans une relation vivante avec toutes les créatures et nous guide dans notre recherche de la paix. »
Dr. Walter Munz
Note sur l’auteur
Le Dr Hines Mabika Ognandzi est historien de la médecine. Chercheur gabonais associé à l’Institut d’histoire de la médecine de Berne, il a enseigné dans sa discipline aux universités de Berne, à Indiana University et à Aix-Marseille. Dans ses livres et son enseignement, il accorde une place importante à l’œuvre originale du Dr Schweitzer à Lambaréné. Il a publié récemment entre autres Médicaliser l’Afrique : enjeux, processus et stratégies d’introduction de la médecine occidentale au Gabon, L’Harmattan, Paris, 2017, et dirigé l’ouvrage collectif Principes éthiques d’Albert Schweitzer en Afrique, L’Harmattan, 2018. Présentation de ces ouvrages dans les n° 174 et 175 de nos Cahiers.
